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2/5/2023

Tout sur l’évolution de la preuve en matière de travail

L'actualité
Par 
ABL formation
L’évolution de la preuve en matière de travail

La gestion de la preuve, dans le cadre d’un litige opposant un salarié et son employeur, est basée sur les règles civiles. Sauf cas spécifiques pour lesquels les règles civiles communes sont écartées ou aménagées par le Code du travail, la preuve suit donc les principes civilistes.

Et parmi eux :

- la liberté de la preuve.

- l’impartialité de la preuve.

- la loyauté de la preuve.

Pour autant, le droit de la preuve a fortement été impacté par l’avènement des NTIC et le développement du numérique. À n’en pas douter, la digitalisation et le règne des algorithmes contribueront bientôt à la création de nouveaux types de situations conflictuelles qui mettront de nouveau à l’épreuve ces principes.

La liberté de la preuve

En vertu des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, la partie qui soumet une prétention ou un argument au juge doit le prouver. Elle doit produire des éléments de preuve, soit tous les moyens de preuve qu’elle estime nécessaire à sa cause en application de l’article 1358 du Code civil. C’est le principe de la liberté de la preuve (recours au constat, témoignage, contrat, SMS, etc.)

Le principe est simple, mais connaît une nuance majeure. La preuve d’un acte doit être faite par écrit dès lors que le montant qu’il constate dépasse un certain montant (1 500,00 €).

Le cadre posé, la liberté de la preuve est un pilier du procès judiciaire et un principe stabilisé.

On ajoutera, bien sûr, que la preuve apportée est soumise à l’appréciation du juge du fond qui, selon le cas, la retiendra ou non.

L’impartialité de la preuve

En matière de preuve, le Droit écarte les preuves établies par une partie à un litige dans son propre intérêt, Le principe est donc l’impossibilité à se constituer une preuve à soi-même, ou autrement dit et selon un usage ancien "nul ne peut se faire de preuve à soi-même.".

Qu’entend-on par là ?

Que doit être rejetée la preuve partiale, c’est-à-dire celle qu’une partie s’établit pour elle-même par écrit. L’objectivité requise d’une preuve, sensée établir la vérité, est incompatible avec l’autoconstitution de preuves.

Cependant, ce principe doit être relativisé, car l’impossibilité concerne les seuls actes juridiques (contrats) et non les faits juridiques (situation, comportement, etc.)

Il est donc permis à une partie de produire des éléments de preuve émanant de sa propre main (un de ses courriers par exemple). Cette règle, d’application ancienne, vient d’être rappelée par la Cour de cassation dans une affaire de licenciement. Un courrier de la main du salarié, s’ajoutant au procès-verbal établi par le conseiller du salarié à l’issue de l’entretien préalable au licenciement, suffit à faire preuve d’un fait matériel.

En l’espèce, un chauffeur routier avait été licencié pour abandon de poste au motif qu’il n’était pas resté à la disposition de son employeur. Le licenciement avait été validé, car les éléments de preuve fournis par le salarié avaient été jugés insuffisants à établir l’absence d’abandon de poste (soit le fait que l’employé était resté à disposition de l’employeur).

La Cour de cassation rappelle que la preuve porte sur un fait et que les éléments produits par le salarié ne peuvent être ignorés avant de renvoyer l’examen du litige à une nouvelle juridiction de fond (une autre Cour d’appel). 

La loyauté de la preuve

Que signifie cette dernière exigence ? Elle signifie traditionnellement que la preuve apportée doit être licite, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas porter atteinte au respect de la vie privée et qu’elle doit être obtenue de façon régulière.

La jurisprudence rejette les preuves jugées illicites ou déloyales, c’est-à-dire obtenues par le biais d’une "machination", d’une fausse qualité ou plus largement de manière illicite.

Elle rejette donc - toujours sur la base de la loyauté, de la bonne foi contractuelle et de la vie privée - les paroles, images et vidéos obtenues dans des conditions illégales. L’exemple type en est le dispositif de vidéosurveillance non déclaré ou détourné de son objet ; la règle étant la même, que le salarié soit filmé dans un cadre privé (vestiaire) ou sur le poste de travail.

Mais le domaine de la loyauté de la preuve est entré en période de fortes turbulences. 

Depuis l’année 2020, le curseur de la loyauté se déplace vers celui de la légitimité. Ainsi, une preuve déloyale ou illicite devient admissible si elle s’avère strictement nécessaire à la preuve des faits en débats et que l’atteinte portée à la vie privée (ou aux libertés fondamentales) n’est pas jugée disproportionnée. L’exemple emblématique de cette évolution est constitué par l’arrêt du 25 novembre 2020, admettant une preuve illicite résultant d’un traçage d’adresses IP non déclaré à la Cnil.

Son considérant mérite d’être cité :

"Il y a donc lieu de juger désormais que l'illicéité d'un moyen de preuve […] n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.".

D’évidence, l’évolution des principes probatoires est sous-tendue par la volonté de rééquilibrer le droit de la preuve au profit de l’employeur. En effet, des exceptions de même nature avaient été admises dans un premier temps au bénéfice du salarié (cf. la jurisprudence sur le vol par un salarié des documents de l’employeur).

On est cependant en droit de s’interroger, sur le plan probatoire, sur la base légale - voire constitutionnelle - de l’admission d’une atteinte à la légalité par l’autorité judiciaire, que celle-ci soit d’ailleurs proportionnelle ou pas ! Cette question ne semble jamais avoir été ouvertement posée. Ni celle de la différence évidente de statut et de pouvoir existant sur le plan de la preuve entre un employeur et un salarié.

E.R.

Références :

Chambre sociale n°21-22.484 du 8 mars 2023.

Chambre sociale n°17-19.523 du 25 novembre 2020.

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