La Lacss : grandeur et décadence d'une innovation textuelle

Le terme est peu connu, et pour cause : la Lacss, autrement dénommée "loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale", est une création récente de notre droit.

Elle est issue de la Loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle tend à permettre chaque année l'étude et l'évaluation des comptes sociaux de l'année antérieure, alors que ces opérations étaient jusqu'alors réalisées avec la présentation des comptes sociaux de l'année, c'est-à-dire lors de la discussion parlementaire portant sur la loi de financement de la sécurité sociale déposée chaque année au mois de septembre-octobre.

Pour rappel, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait traditionnellement une présentation détaillée de l'état financier et patrimonial de chacune des branches de notre système de protection sociale, cette partie de texte devenant à l'issue de son vote par les deux Assemblées la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale.

La volonté de mieux suivre et d'évaluer chaque année l'exécution de la loi de financement précédemment promulguée a conduit à la création d'une loi d'un genre nouveau, ce qui n'est somme toute pas chose fréquente sous la Vᵉ République.

L'effort entrepris est louable et amplement justifié, tant la question de la dette sociale est devenue prégnante au fil des années, et plus que jamais d'actualité. Selon l'Insee, la part de la dette publique correspondant au déficit de la Sécurité sociale s'élevait en 2022 à 161 milliards d'euros. Elle atteindrait 3 milliards d'euros en 2023. Ce dernier chiffre est âprement discuté compte tenu de la résorption conséquente de la dette sociale qu'il sous-tend.

On comprend mieux, dans tous les cas, la volonté de faire le point annuellement pour vérifier le respect par l'exécutif de ses engagements et la création d'un texte spécifique pour y parvenir.

Le nouveau-né n'arrive d'ailleurs pas seul, mais accompagné de son cortège de textes : à savoir un projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS), lui-même précédé d'un rapport (Ralfss). Le schéma développé est en fait bien connu, puisqu'il est calqué sur celui des lois de finances.

On aurait pu légitimement penser que le premier examen de ces textes par l'Assemblée nationale et le Sénat eût été l'occasion rêvée de célébrer une innovation sociale d'envergure.

Loin s'en faut !

Le projet de Lacss, déposé par le Gouvernement en mai dernier et concernant l'exercice 2022, a été sèchement retoqué par le Parlement. Nous voilà pour la première fois sans approbation des comptes publics sociaux !

Bien sûr, la non-adoption de la Lacss n'entraînera pas la chute de la Sécurité sociale ni la cessation du versement des prestations sociales. Pour autant, elle signe l'ouverture d'une crise grave, survenant en droite ligne de la bombe textuelle qu'a constitué le rapport rendu par la Cour des comptes au mois de mai dernier.

En effet, elle marque l'opposition frontale existant entre, d'une part, le Gouvernement et, d'autre part, une cohorte d'autorités publiques de premier plan (Cour des comptes, Parlement, Conseil constitutionnel).

Pour celui qui voudra bien se pencher sur la position respective de ces diverses institutions, le refus de voter la Laccs met en lumière ce qu'il faut bien appeler d'inquiétantes carences de la part de l'exécutif.

On citera à titre d'exemple :

• la non-production des annexes patrimoniales prévues par la Loi organique ;

• la non-exécution de certains des engagements validés par les représentants de la Nation ;

• des écritures comptables embellissant à maints égards une situation financière dégradée.

De quoi alimenter les tensions politiques et les chroniques juridiques de la rentrée.

Référence : motion opposant la question préalable à la délibération sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale du 3 juillet 2023.

Ella RAGAIN

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