Contactez-nous par téléphone au 03.85.20.75.01
16/11/2023

L'APC et le salarié

L'actualité
Par 
ABL Formation
APC

L'accord de performance collective est issu de la Loi du 29 mars 2018 modifiant l’Ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective. Il relève de la catégorie des actes  autorisant à déroger au contrat de travail du salarié en dehors de tout consentement.

Compte tenu du bouleversement qu'il opère dans l'ordonnancement juridique habituel, la conclusion d'un APC ne peut être envisagée que dans des hypothèses limitées, elles-mêmes précisées dans le corps de son préambule :

· répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise (en vue de contrer des difficultés économiques rencontrées ou de renforcer sa performance économique ou sociale pour les éviter) ;

· préserver l'emploi ;

· le développer.

En outre, le contenu de l'accord est lui-même circonscrit par l'article L. 2254-2 du Code du travail, de sorte que seuls certains aspects du contrat de travail peuvent être impactés par son adoption, à savoir :

· la durée du travail  (organisation du temps de travail, répartition des horaires) ;

· la rémunération (montant, composition) ;

· le lieu de travail (mobilité géographique au sein de l'entreprise) ;

· le poste, l'emploi ou la fonction (mobilité professionnelle au sein de l'entreprise).

De manière générale, la mise en place d'un APC correspond à la suspension ou à l'érosion des droits contractuels du salarié pendant toute sa durée d'exécution. Le travailleur peut les refuser, mais s'expose alors à l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre.

Il résulte du dispositif mis en place par le législateur qu'un licenciement pour motif personnel peut se fonder en Droit français sur le refus de se conformer aux modifications de travail consécutives à l'APC considérées comme se substituant immédiatement aux clauses initiales du contrat, alors que :

- d'une part, l'APC ne peut recevoir application dans une situation individuelle qu'autant que le salarié y consent ;

- d'autre part, le fait pour un travailleur de refuser de consentir à une modification imposée de son contrat est un droit qui lui est expressément ouvert et dont l'exercice est licite.

La situation juridique créée aboutit à un licenciement personnel dont le motif n'est pas précisé et même inexistant, sauf à considérer comme une raison valable de licenciement le fait d'exercer un droit légalement reconnu.

Dans ce cas, le motif réside dans la référence à l'article L. 2254-2 du Code du travail.

En l'état, on peut se demander si le fait de prévoir un licenciement automatique en cas de refus du salarié de se voir appliquer les dispositions de l'APC ne conduit pas à vider de toute substance le droit de recours juridictionnel ouvert à tout salarié licencié.

Qu'il soit économique ou personnel pour motif économique, le licenciement suppose toujours l'existence d'un motif réel et sérieux.

Deux confédérations syndicales ont posé la question à l'Organisation Internationale du travail (OIT) considérant que cela « aboutit à la neutralisation du contrôle du juge sur la justification du licenciement », ajoutant que le juge doit pouvoir « examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas » pour décider si le licenciement est justifié.

Pour les syndicats le visa d'un article du Code du travail ou l'existence d'un accord conventionnel  ne peuvent constituer l'exposé du « motif personnel spécifique » exigé pour ce type de  licenciement, motif devant être prouvé normalement par l'employeur et contrôlé par le juge.

 

En effet, dans ce cas de figure,  le contrôle juridictionnel se limite à l'existence et à la validité des clauses de l'accord sans vérification à proprement parler d'un motif personnel de licenciement.

Le Gouvernement répond que le refus d'exécution d'un accord régulier constitue un motif spécifique fondant le licenciement personnel, c'est-à-dire une cause réelle et sérieuse de licenciement contrôlée par le juge dans la mesure où celui-ci doit vérifier l'existence et la validité de l'APC.

L'État précise en outre que la lettre de licenciement doit viser le motif spécifique (refus de se voir appliquer l'APC) sauf à voir la procédure de congédiement invalidée, et que le contrôle du juge est donc réel comme portant sur l'APC et sur la lettre de licenciement.

L'institution répond en février 2022 : l'indication du motif tiré du refus d'appliquer un accord dont les dispositions se substituant de plein droit aux clauses contractuelles n'emporte pas présomption de cause réelle et sérieuse du licenciement. Le juge doit pouvoir contrôler ce motif entendu comme les nécessités du fonctionnement de l'entreprise justifiant la mise en place de l'accord de performance collective.

L'analyse développée suppose aussi le droit du juge - point non mentionné au rapport - de contrôler la réalité des objectifs de préservation ou de développement de l'emploi fondant l'APC.

Ainsi, il est acquis que le salarié doit pouvoir saisir le Conseil de prud'hommes pour faire valoir que son  licenciement pour motif personnel (d'ordre économique) est privé de fondement en cas :

-  d'irrégularité de l'APC ;

-  de sa mise en place dans une hypothèse ou pour des objectifs étrangers aux exigences légales ;

-  de détournement de procédure (utilisation du licenciement spécifique de l'APC pour s'affranchir de la procédure de licenciement pour motif économique là ou elle devrait s'appliquer).

À n'en pas douter, la Cour de cassation sera prochainement amenée à préciser le périmètre du contrôle devant être opéré en cas de licenciement par le juge prudhommal.

 

Référence : Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France

de la Convention sur le licenciement du 16 février 2022

Ella Ragain

Plus de lecture :

Découvrez nos formations Qualiopi 100 % distanciel

Formation Gestionnaire de Paie à distance
Formation Secrétaire Assistant à distance
Formation Assistant RH à distance

Formation Secrétaire Comptable à distance