Après l'extension du champ du harcèlement moral au domaine managérial intervenue en 2022, la Cour de cassation normalise en 2023 la protection des victimes de harcèlement moral en cas de licenciement et rappelle l'autonomie de la réparation devant leur être attribuée à ce titre.
C'est d'un revirement de jurisprudence dont il est ici question.
Il est acquis, depuis l'adoption de l'article L 1152-2 du code du travail, que le salarié victime d'un harcèlement moral au travail ne peut être licencié pour avoir réagi ou dénoncé les agissements dont il est la cible.
La protection légale octroyée se trouvait trop souvent battue en brèche par un formalisme excessif exigeant du travailleur qu'il se transforme en juriste et prenne le soin de qualifier les actes ou comportements subis en « harcèlement » pour pouvoir invoquer la protection légale instituée.
Cette solution est abandonnée par la Cour de cassation : le salarié licencié à raison d'un harcèlement évoqué ou dénoncé peut invoquer la nullité du licenciement prononcé à son encontre, l'absence d'usage du terme harcèlement ne pouvant plus lui être reprochée, ni lui être opposée par l'employeur.
Dès lors que des faits sont rapportés à l'entreprise et qu'ils appartiennent à ceux susceptibles de relever de la catégorie des actes matériels ou juridiques répétés fondant le harcèlement moral, l'employeur n'est plus en droit de licencier son salarié à ce titre.
Inversement, si les faits portés à la connaissance de l'employeur sont a priori étrangers au harcèlement moral, la protection due en matière de licenciement ne jouera pas.
Ainsi en ira-t-il, par exemple, de la dénonciation par un collaborateur d'actes répréhensibles commis par un supérieur sans évocation des répercussions ayant résulté pour lui de cette connaissance (pressions, mise au placard, etc.)
Attention toutefois : à s'en tenir aux termes de l'arrêt de revirement du 19 avril 2023, l'évocation par l'employé des conséquences usuelles du harcèlement (dégrafions de l'état de santé, des conditions de travail ou des perspectives professionnelles) ne suffit pas à caractériser ipso facto le harcèlement.
Il faut donc que soient évoqués des « agissements répétés » à l'origine de la dégradation des conditions de travail (en l'espèce actes de collègues dégradant les relations de travail suite à l'envoi d'une missive critiquant le directeur d'une association).
Le plaignant ne peut donc s'affranchir de viser des faits précis de harcèlement pour bénéficier de la protection, même s'il n'a plus à faire figurer ce terme noir sur blanc dans ses échanges avec l'employeur.
Le harcèlement moral est dommageable pour les victimes et doit à ce titre être réparé.
C'est ce que la Cour de cassation rappelle en juin 2023 lorsqu'elle précise que les indemnités spécifiques versées consécutivement à la nullité du licenciement sont la conséquence de l'annulation, et ne visent pas à réparer le préjudice causé par ce phénomène.
Les sommes réglées au titre du licenciement ne couvrent pas le préjudicie matériel et moral causé à la personne par les faits positivement commis.
La salariée doit être indemnisée indépendamment.
Références :
- arrêt de la chambre sociale du 19 AV.2023, pourvoi 21-21.053
- arrêt de la chambre sociale du 1ᵉʳ juin 2023, pourvoi n° 21-23.438
Ella Ragain
Découvrez nos formations Qualiopi 100 % distanciel
Formation Gestionnaire de Paie à distance
Formation Secrétaire Assistant à distance
Formation Assistant RH à distance
Formation Secrétaire Comptable à distance