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9/1/2024

Le forfait-jours dans la tourmente

L'actualité
Par 
ABL formation
Le forfait-jours : que se passe t-il ?

D'aucuns se demandent si le forfait-jours annuel survivra à la période ?

Il est vrai que les deux dernières décennies ont vu bon nombre de décisions judiciaires remettre en cause l'existence des conventions individuelles de forfait-jours dans la mesure où les actes juridiques conditionnant leur régularité (accord d'entreprise ou de branche) étaient annulés ou privés d'effets à l'occasion d'un contentieux. Or il se trouve que le phénomène est appelé à se répéter dans un avenir proche.

La situation contentieuse conduit alors, par un jeu de cause à effet, à l'invalidation des forfaits signés et à une avalanche de sanctions pour l'employeur : paiement d'heures supplémentaires, rappel sur indemnité de congés payés, etc.

L'invalidation du socle juridique exigé pour la validité du forfait est apparue dans le sillage des obligations européennes imposées aux employeurs en matière de repos :

- assurer une répartition équilibrée dans le temps du travail demandé au salarié ;

- maîtriser l'amplitude du travail effectué (raisonnable) ;

- maîtriser la charge de travail (suivi et évaluation).

Autant d'exigences jugées insuffisamment, satisfaites par les normes conventionnelles instaurant le forfait jours, et écartées pour cette cause par les juges (Convention collective de branche de l'industrie chimique, de l'hôtellerie, des commerces de détail non alimentaires, etc.).

C'est ce que vient de juger encore la Cour de cassation dans deux arrêts du 5 juillet 2023.

On comprend qu'il soit difficilement concevable pour un chef d'entreprise qu'un engagement contractuel a priori régulier puisse être balayé après plusieurs années d'application sur le fondement de dispositions de branche scrupuleusement respectées, finalement considérées comme violant la législation en vigueur.

Mais la sévérité des décisions rendues se justifie en ce qu'elles visent à protéger la santé physique et morale de travailleurs sollicités hors du cadre protecteur des 35 heures, et qu'elles entendent préserver son droit minimum au repos.

En outre, l'employeur dispose depuis 2016 de la possibilité de pallier les possibles carences conventionnelles : il peut en effet adopter seul les mesures exigées par le droit et détaillées à l'article L. 3121-65 du Code du travail.

Dans cette circonstance, aucun argument ne semble pouvoir être opposé à la ligne jurisprudentielle protectrice. L'argument doctrinal tiré du pouvoir souverain des juges du fond et de l'insécurité juridique qui résulterait de l'interprétation par les juges des dispositions conventionnelles en matière de forfait ne convainc pas.

Il est a priori de la responsabilité du dirigeant d'évaluer le degré de protection réel et efficace devant être accordé au salarié en forfait-jours, système prioritairement créé dans l'intérêt de l'entreprise.

Sur la base de cette observation et des dispositions de 2016, il est loisible à l'employeur de lire, examiner et évaluer les actes conventionnels qui lui sont applicables au regard des standards de protection.

Il lui est possible d'établir un document intérieur répondant à des critères plus élevés que ceux des textes conventionnels. Il lui est surtout permis de verrouiller la situation via un accord d'entreprise négociant un cadre protecteur efficient.

On peut ajouter que les solutions jurisprudentielles successives ne modifient pas les obligations du forfait-jours ni la nature des mesures de contrôle instituées. Elles se contentent simplement d'exiger que les garanties proposées ne soient pas que des mots.

La jurisprudence prône une protection réelle et effective :

- un suivi hiérarchique régulier de la charge de travail (jour après jour)

- une régulation rapide des surcharges constatées en vue de « remédier en temps utile » à l'insuffisance de repos

Le même souci de protection du salarié s'exprime en matière de rémunération.

La justice s'assure que le salarié au forfait-jours n'est pas exploité, c'est-à-dire que le travail dans un temps journalier non encadré ne conduit pas à une perte de rémunération, d'avantages ou de droits pour le travailleur qui y consent.

Ainsi en va-t-il de l'arrêt du 26 janvier 2022 octroyant aux magistrats le pouvoir de fixer la rémunération due au salarié en cas de dépassement de la durée du forfait initialement prévue.

Si un salarié au forfait-jours continue à travailler au delà de la durée contractuelle sans qu'un avenant ne soit régularisé pour régler la situation (avenant de renoncement à des jours de congés en vue d'augmenter le nombre des jours travaillés), la fixation du revenu versé par l'employeur incombe à l'autorité judiciaire dans le respect des dispositions légales édictées.

Cette décision a fait moins de bruit que celles du 5 juillet, mais la philosophie qui l'anime est la même.

Le forfait jours est de nouveau dans la tourmente. Il survivra aux coups de vent annoncés. Comme il l'a déjà fait par le passé.

Références :

- Loi n° 2016-1088 du  8 août 2016  (dite Loi Travail ou Loi El Khomri)

- arrêt de la Chambre sociale du 26 janvier 2022 (pourvoi n° 20-13.266)

- arrêts de la Chambre sociale du 5 juillet 2023 (pourvois n° 21-23.222 et n° 2123.387)

 Ella Ragain

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