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15/2/2024

Congés payés : que se passe-t-il après 13 septembre ?

L'actualité
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ABL formation
Congés payés : l’après 13 septembre 2023

 Depuis les arrêts du 13 septembre 2023, l’ensemble des personnes en arrêt maladie bénéficient de la prise en compte de leur période d’inactivité « maladie » pour le calcul du droit à congés payés.

 Ces décisions ont suscité une levée de boucliers, à l’image de la pétition de la CPME (25 000 signatures en novembre). La confédération syndicale tente d’en contenir la portée et propose même l’instauration d’un congé payé de "repos et convalescence" donnant droit à une indemnisation limitée (calcul des CP sur 10 % de la durée de l'arrêt).

 Il est vrai que sur le plan économique, avec l’augmentation des arrêts maladie et l’allongement de leur durée, la solution jurisprudentielle est socialement lourde pour les entreprises, surtout pour les petites.

 Des critiques surgissent aussi sur le plan juridique : une partie de la doctrine oppose le principe d’égalité, justifiant qu’à une situation différente corresponde un traitement spécifique, à l’interdiction de discriminer pour raison de santé évoquée par la Cour de cassation.

 La non-attribution de jours de congés aux travailleurs malades s’expliquerait, car son état serait différent sur le plan :

- du droit au repos (les uns étant en activité sur la période de calcul des droits à congés, les autres non) ;

- de la protection de la santé (les uns ayant besoin d’un repos pour compenser la fatigue causée par un travail effectif, les autres non).

 Consciente des difficultés, et espérant voir le Conseil constitutionnel abroger les dispositions qu’elle vient d’écarter, la Cour a transmis le 15 novembre 2023 à cette institution l’examen des articles L. 3141-3 et L. 3141-5,5° du Code du travail.

 Une chose est sûre : les travailleurs partis de l’entreprise à l’issue de longs arrêts maladie ne vont pas tarder à réclamer leur dû en justice. Déjà des sommes conséquentes ont été accordées à ce titre dans des instances en cours (de 6.000 à 7 000 €).

Certains CSE ont également inscrit le sujet à l’ordre du jour de leurs réunions, analysant la situation sous l’angle de la prise des congés plutôt que sous l’angle financier : ils pointent l’inaction de l’employeur (n’ayant pas accordé en temps utile des congés juridiquement acquis) avec comme effet immédiat un report de prescription du délai contentieux très loin après le délai triennal jouant en matière de paiement des congés payés.

La situation soulève diverses questions :

- celle du paiement ou de la récupération de ceux des congés payés non pris pour cause d’arrêt maladie ;

- celle de la limite posée à la récupération des congés non pris compte tenu des règles légales ou conventionnelles de report des congés payés ;

- Celle de la prescription des demandes indemnitaires en l’absence de récupération possible.

 Sur tous ces points, les arrêts de la CJUE et de la Cour de cassation (n° 22-10529) sont mobilisables :

Cour de justice de l'Union européenne 

 "L'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit au congé annuel payé acquis par un travailleur au titre d'une période de référence est prescrit à l'issue d'un délai de trois ans qui commence à courir à la fin de l'année au cours de laquelle ce droit est né, lorsque l'employeur n'a pas effectivement mis le travailleur en mesure d'exercer ce droit.".

Cour de cassation

 "Il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé" et "que lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.".

 En théorie, les congés payés non pris pour cause de maladie (et non indemnisés) pourraient faire l’objet de rappels depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (1ᵉʳ décembre 2009) conférant force obligatoire à la Charte sociale du 7 décembre 2000 ; étant souligné l’effet direct reconnu en 2018 à l’article 31 § 2 de la Charte (disposition s’imposant à l’ensemble du système normatif européen).

 Toute relation contractuelle postérieure au 1 décembre 2009 et ayant donné lieu à arrêt maladie pourrait donc fonder une action judiciaire faute de diligences adéquates de l’employeur en matière de congés.

 L’argument est valable, mais doit être tempéré au regard du principe de sécurité juridique : comment reprocher à une entreprise une « absence de diligences » à une époque où le droit national autorisait son inaction, à une période où le droit européen ne spécifiait pas encore le sens à donner à l’article 32 § 1 (énoncé général d’un « droit à une période annuelle de congés payés ») ou à l’article 7 de la directive de 2003 (principe d’un congé payé effectif de 4 semaines).

C’est en fait l’interprétation par la CJUE de la directive sur l’aménagement du temps de travail qui a conduit à l’extension  entérinée par le juge français en septembre dernier.

 Où donc alors poser la frontière ?

En novembre, la Cour de justice de l’Union européenne a apporté des éléments de réponse dans une affaire intéressant la Sté Keolis Agen à laquelle on demandait :

- la prise effective de congés annuels précédemment refusés au titre de périodes de maladie (report) :

- le versement de leur équivalent monétaire compte tenu du départ de l’entreprise.

 La CJUE affirme que c’est aux Etats européens d’arrêter les règles de report du congé annuel, sous réserve de fixer une durée ou un plafond de report compatible avec les règles européennes, c’est-à-dire suffisamment long pour permettre au salarié malade la prise effective du repos qui lui est dû.

 Dans la foulée, elle considère comme valable une limite de report de 15 mois (délai retenu par elle dans des affaires précédemment examinées).

 Ainsi, le report de la prise des congés acquis en période d’arrêt maladie pourrait être encadré dans le temps, avec une période imposée entrainant à son expiration la disparition des droits à congés payés non pris :

- au plan matériel (impossibilité à revendiquer la prise effective des jours dus) ;

- au plan financier (point de départ du délai de prescription entrainant à terme la perte de l’indemnisation compensatrice).

 Aux dires même de la Cour européenne, cet encadrement pourrait parfaitement résulter d’une loi ou d’une pratique nationale.

 Ella ragain

Références :

- arrêts de la chambre sociale du  15 nov. 2023 (pourvoi  n° 23-14.806 et 22-10.529)

- arrêt de la CA Paris, 27 sept. 2023 (RG n° 21/01244)

- arrêts de la CJUE du 6 novembre 2018

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